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Historique. L’adjectif n’est pas exagéré pour qualifier les résultats des deux élections régionales qui se sont tenues, dimanche 1er septembre, dans l’est de l’Allemagne. Pour la première fois depuis la seconde guerre mondiale, l’extrême droite est arrivée en tête à l’échelle d’un Land, la Thuringe, où le parti Alternative pour l’Allemagne (AfD) atteint près de 33 % des voix. Dans la région voisine de Saxe, il dépasse également 30 % et manque de peu la première place, conservée de justesse par les chrétiens-démocrates (CDU).
Cette percée n’est pas une surprise. Elle a des précédents : c’est après son succès aux élections de Thuringe, en 1929, que le parti nazi NSDAP décrocha pour la première fois un ministère à l’échelle régionale, quatre ans avant l’arrivée d’Hitler à la chancellerie. Près d’un siècle plus tard, l’AfD a peu de chances de participer aux futurs gouvernements de Saxe et de Thuringe, les autres partis ayant prévenu qu’ils ne formeraient pas de coalition avec elle. Mais elle disposera d’une minorité de blocage, ce qui lui permettra notamment de peser sur certaines nominations-clés.
Pour le gouvernement tripartite du chancelier social-démocrate Olaf Scholz (SPD), les résultats de dimanche sont une catastrophe. A eux trois, le SPD, les Verts et les libéraux du FDP cumulent à peine plus de 10 %. La piteuse image de la coalition au pouvoir à Berlin, tiraillée par ses contradictions internes et accusée de manquer de résultats face à la vie chère, à l’immigration illégale et à l’insécurité, a été lourdement sanctionnée.
Dimanche, ses faiblesses ont largement profité à l’Alliance Sahra Wagenknecht, un mouvement fondé il y a sept mois par une ex-dirigeante du parti de gauche Die Linke, qui se veut progressiste sur les questions sociales et conservatrice sur les sujets sociétaux, et qui réclame – à l’instar de l’AfD – un arrêt des livraisons d’armes à l’Ukraine et un rapprochement avec la Russie.
A elles deux, la Saxe et la Thuringe ne totalisent que 6 millions d’habitants, soit 7 % de la population allemande. Cela ne doit toutefois pas relativiser l’importance de ce qui s’est passé dimanche. D’abord, parce que l’extrême droite – les élections de 2023 en Bavière et en Hesse l’ont montré – est également en plein essor dans l’ouest de l’Allemagne. Ensuite, parce que les fédérations de l’AfD en Saxe et en Thuringe sont parmi les plus radicales du pays. Leur homme fort, Björn Höcke, vient d’être condamné à deux reprises pour avoir utilisé en public le slogan des SA hitlériennes, et son parti est désormais « mis sous surveillance » par l’Office fédéral de protection de la Constitution, le service chargé du renseignement intérieur. Malgré ces outrances, il a conquis un tiers des électeurs.
Qu’un tel parti, fondé il y a seulement onze ans, obtienne de tels scores dans un pays comme l’Allemagne, est plus qu’inquiétant. En raison de son passé, de son poids démographique et de sa puissance économique au cœur d’un continent européen en proie à la montée des extrêmes, l’Allemagne, qui élira dans un an son prochain chancelier, a une responsabilité majeure.
Ses dirigeants politiques de droite et de gauche, mais aussi ses élites économiques et intellectuelles ne peuvent se permettre de laisser prospérer davantage une formation dont la vision du monde, raciste et nationaliste, sape les fondements de l’ordre démocratique et libéral sur lequel le pays s’est reconstruit après la catastrophe du IIIe Reich.
Le Monde
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